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les républicains - Page 4

  • Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !

    « Moi, j'ai confiance dans le peuple ! C'est le geste le plus démocratique et républicain qu'il soit, celui que j'ai fait. C'est de dire à vous toutes et tous : il y a une colère qui s'exprime, moi, je l'entends. Et je vous dis, quel que soit le résultat, de toute façon, il y aura un jour d'après. (…) Moi, j'ai confiance dans le bon sens. Je pense qu'il y a une majorité silencieuse qui, comme vous, ne veut pas les extrêmes et qui, comme vous, ne veut pas que ce soit le désordre. » (Emmanuel Macron, le 18 juin 2024 après la commémoration de l'Appel du 18 Juin).





     

     
     


    J'ai écrit que la dissolution de l'Assemblée Nationale et la campagne éclair des élections législatives faisaient ressortir les vieux dinosaures de la vie politique. C'est le cas de François Hollande (qui se présente dans une coalition de gouvernement avec le NPA et FI !), c'est aussi le cas de Lionel Jospin qui, tous les deux, aveuglés par la peur d'un gouvernement RN, sont prêts à s'allier avec ce qu'il y a de plus abject à l'extrême gauche (l'histoire le rappellera un jour très sévèrement). C'est le cas aussi de Manuel Valls qui, au nom de la même gauche que celle des deux précédents (Manuel Valls était le conseiller à Matignon de Lionel Jospin et le Premier Ministre de François Hollande), a condamné avec force la nouvelle farce populaire autant que l'extrême droite pour soutenir le camp présidentiel.

    Mais c'est bien sûr aussi le cas à droite et au centre droite. Du trio des ténors de l'UMP puis de LR qui ont dominé la droite républicaine pendant deux décennies, seul Alain Juppé est soumis à son obligation de réserve en raison de son appartenance au Conseil Constitutionnel (qui statue sur la régularité des élections législatives), mais les deux autres ont réagi aux événements politiques accélérés de ces derniers jours, l'ancien Président de la République Nicolas Sarkozy le 15 juin 2024 dans une interview au "Journal du dimanche" (interrogé par Geoffroy Lejeune et Antonin André), et l'ancien Premier Ministre François Fillon, qui avait pourtant tourné la page de la politique, le 18 juin 2024 dans une tribune au journal "Le Figaro". Ces deux ténors majeurs de LR ne disent d'ailleurs pas tout à fait la même chose.

     

     
     


    Pour les deux, comme pour Lionel Jospin et comme pour beaucoup de Français, il y a une incompréhension de cette dissolution. L'effet d'une douche froide. Mais après tout, De Gaulle avait fait la même chose deux fois en dix ans. Lire à la fin de l'article la justification présidentielle.
     

     
     


    Nicolas Sarkozy ne comprend pas cet appel aux urnes quelques heures seulement après les élections européennes qui étaient déjà une écoute du peuple : « Donner la parole au peuple français pour justifier la dissolution est un argument curieux puisque c’est précisément ce que venaient de faire plus de 25 millions de Français dans les urnes ! On donne la parole aux Français quand ils ne se sont pas exprimés depuis plusieurs années, pas juste après une consultation électorale. ».

    Et d'ajouter qu'il est peu probable que les Français ne disent pas la même chose en trois semaines d'intervalle : « Le risque est plus grand qu’ils confirment leur colère plutôt qu’ils ne l’infirment. ». Mais cela n'a pas beaucoup de sens de commenter la pertinence de la dissolution, car elle s'impose à tous.


    D'où cette sentence contre la décision présidentielle : « Cette dissolution constitue un risque majeur. Pour le pays, déjà fracturé, parce que cela peut le replonger dans un chaos. Et pour le Président, à qui il restait trois ans de mandat, et dont j'aurais préféré qu'il les utilisât pour accomplir ce que les Français souhaitent. ». Ces propos sont un tantinet démagogiques, mais il faut remarquer l'emploi de l'imparfait du subjonctif, très rare dans la classe politique et chasse généralement gardée de Raymond Barre et de Jean-Marie Le Pen).

    L'ancien Président de la République a notamment regretté de ne pas avoir assez influencé Emmanuel Macron sur les thèmes de la droite nationale : « C'est le plus important, je n'ai pas réussi à le convaincre que la matrice politique de la France s'incarnait dans ces trois mots : identité, sécurité, autorité. ». Ce à quoi Lionel Jospin a répondu : « Liberté, égalité fraternité » !

     

     
     


    Sur l'éviction du président de LR Éric Ciotti, Nicolas Sarkozy ne partage pas son point de vue d'une alliance LR-RN parce qu'il considère que cela serait suicidaire pour LR dans la situation actuelle. Il s'est opposé à la fois sur le fond (pas d'alliance avec le RN) et sur la forme (il n'avait pas à prendre la décision arbitrairement tout seul) : « Je suis attaché à mes convictions. Je ne partage pas les siennes, mais pourquoi ne pourrait-il les défendre ? En revanche, il a eu le tort de trancher un débat avant qu'il ait pu prospérer. ». Du reste, des personnalités comme Gérard Larcher et Bruno Retailleau se sont senties trahies personnellement par Éric Ciotti alors qu'ils l'avaient eu au téléphone très peu de temps avant sa déclaration d'alliance.

    Pour autant, Nicolas Sarkozy rejette toute diabolisation du RN car cela ferait son jeu. Il faut le combattre politiquement, pour les mesures qu'il défend, et pas moralement : « Le RN a fait un travail sur lui-même qui est indéniable. Combattre le Rassemblement national comme s'il n'avait pas changé, comme s'il y avait toujours le Jean-Marie Le Pen "du détail", serait une erreur grossière... ».


    En revanche, l'ancien locataire de l'Élysée veut diaboliser la nouvelle farce populaire avec ses partis extrémistes : « LFI par son communautarisme, ses propos aux limites de l'antisémitisme, son engagement militant auprès du Hamas, est beaucoup plus problématique aux regards des règles républicaines que le risque fantasmé de peste brune. ». Ainsi, entre la peste RN et le choléra NFP, il a probablement déjà choisi même s'il ne le dit pas explicitement.

    Quant à l'union des gauches, Nicolas Sarkozy l'a toujours envisagée et c'est probablement l'erreur politique d'Emmanuel Macron, elle s'est faite en juin 2022 malgré plusieurs candidats à l'élection présidentielle. Et il a rappelé : « Je n'ai jamais douté que la gauche referait son unité. Déjà en 2012, Jean-Luc Mélenchon s'était précipité dans les bras de François Hollande en dix minutes. Parce que quand le pouvoir est à portée de main, la gauche se rassemble. ».

    Nicolas Sarkozy s'est fait également directeur des ressources humaines et a commenté l'ambition démesurée de Jordan Bardella : « [Il] a du talent (…). Il lui reste, et c'est une grande question, à combler un manque d'expérience puisqu'il n'a jamais été en situation de gérer quoi que ce soit, et qu'il a moins de 30 ans. ».

    Lui qui avait tenté de convaincre Emmanuel Macron de faire un véritable contrat de gouvernement entre LR et la majorité présidentielle en 2022, il reste donc sur une position intenable : ni NFP, ni RN, ni Macron. Aujourd'hui, LR n'existe plus parce que ce parti a implosé par le ciottisme. Il lui faudra effectivement choisir entre ces trois "blocs" (terme que je n'aime pas du tout car cela fait comme si on bétonnait la vie politique, même s'il y a une belle référence historique avec le Bloc national de Clemenceau en novembre 1919).

     

     
     


    Parlons maintenant de la tribune de François Fillon. La position de l'ancien candidat à l'élection présidentielle de 2017 est un peu différente même s'il rejette à la fois le RN et le NFP. Lui-même au soir du premier tour de l'élection présidentielle de 2017 avait été très clair : il avait appelé sans hésitation à soutenir Emmanuel Macron au second tour pour empêcher l'éventualité de l'élection de Marine Le Pen (beaucoup au sein de LR avaient été bien moins clairs à l'époque).

    Toutefois, il faut aussi se souvenir qu'Éric Ciotti est un bon ami de François Fillon. Dans sa querelle fratricide contre Jean-François Copé au sein de l'UMP en 2012-2013, François Fillon avait pu compter sur le soutien indéfectible d'Éric Ciotti.

    Comme pour l'ancien chef de l'État, l'ancien Premier Ministre a d'abord sérieusement attaqué l'alliance à gauche : « Le nouveau programme commun de la gauche fait apparaître celui de 1981 comme une bluette social-démocrate. Le comportement de LFI depuis son irruption à l'Assemblée est incompatible avec notre pacte républicain. ».

     

     
     


    Mais il a aussi critiqué très vertement les idées du RN : « Je persiste à penser que l'extrême droit, malgré sa mue, n'est pas en mesure de redresser notre pays. Mais, pire encore, l'extrême gauche qui menace l'unité nationale doit être implacablement sanctionnée par les urnes. ». Le "pire encore" donne une idée de sa position s'il devait choisir entre les deux extrémismes.

    Enfin, troisième pôle de refus politique, ne pas se soumettre à Emmanuel Macron : « Il faudra beaucoup d'efforts au chef de l'État pour éteindre le feu électoral qu'il a sciemment allumé. ». Toute l'opposition à Emmanuel Macron réside dans ce "sciemment".

    Faut-il retourner aux sources de la Cinquième République ? Je rappelle donc qu'après la décision de dissoudre l'Assemblée prise par De Gaulle le 9 octobre 1962 (à la suite de l'adoption d'une motion de censure contre le gouvernement de Georges Pompidou), la plupart des députés gaullistes étaient sidérés et considéraient cette initiative de la dissolution comme un suicide collectif (on parle aussi de suicide politique pour le référendum du 27 avril 1969). Les ministres sortants se préparaient à la défaite électorale, retrouvaient un emploi à leurs conseillers et se disaient que c'était déjà pas mal d'avoir gouverné quatre ans en résistance au régime des partis.
     

     
     


    La réponse d'Emmanuel Macron est très claire, puisque beaucoup de Français l'ont interrogé sur le sujet. Ainsi, le 18 juin 2024, sur l'île de Sein, il répondait à une dame très inquiète (et pas du tout impressionnée) : « Quelle a été la conviction du Général De Gaulle en 1940, puisque vous faites référence à cette mémoire ? Une confiance dans les Françaises et les Français, forte. Le chaos, il est lié à quoi ? À certains élus de la République qui, chaque semaine, au Parlement, font le désordre et donnent un spectacle qui n'est pas celui que vous voulez et que je ne veux non plus. Vous ne pouvez pas continuer comme ça. Il faut regarder les choses en face. Et qu'il y ait eu un coup de colère, vous savez, je suis le premier à qui ça a fait mal le 9 juin. Les résultats. Je l'ai pris vraiment pour moi, ça m'a fait mal. Et donc, en mon âme et conscience, c'est une des décisions les plus lourdes que j'ai eu à prendre, Madame. Si je pensais à moi, vous savez, je serais resté à mon bureau et j'aurais dit : on va continuer comme si de rien n'était. Mais on doit ouvrir les yeux. On ne peut pas laisser monter les extrêmes et la colère en disant : c'est comme si de rien n'était. Et donc, moi, j'ai confiance dans le peuple ! C'est le geste le plus démocratique et républicain qu'il soit, celui que j'ai fait. C'est de dire à vous toutes et tous : il y a une colère qui s'exprime, moi, je l'entends. Et je vous dis, quel que soit le résultat, de toute façon, il y aura un jour d'après. Sur les sujets de sécurité, de fin de mois, on devra aller beaucoup plus vite et plus fort parce qu'il y a une partie de cette colère qui est liée à cela. Mais je dois redemander un vote de confiance aux Françaises et aux Français. Mais moi j'ai confiance dans le bon sens. Je pense qu'il y a une majorité silencieuse qui, comme vous, ne veut pas les extrêmes et qui, comme vous, ne veut pas que ce soit le désordre. Donc, je ne l'ai pas fait pour moi, je ne l'ai pas fait sur un coup de sang, ce n'est pas un coup de dés, c'est un geste de confiance républicain. On ne peut pas craindre le peuple dans une démocratie. (…) Mais pourquoi vous voudriez qu'il y ait le chaos ? Il y a le chaos quand les choses se bloquent. On a connu tous ensemble les gilets jaunes, et on l'a connu pourquoi ? Parce que les gens n'adhéraient plus aux réformes, la vie était dure. Il y a quelque chose qui a émergé, d'ailleurs qu'on a eu du mal à anticiper, il a fallu le régler, ça a mis quelques mois. Mais pour les élections, ce n'est pas le chaos, c'est la démocratie. Et donc, elle suppose le respect. Encore une fois, moi, j'ai confiance en l'intelligence des Françaises et des Français. ».

    Cet esprit de la pratique des institutions, c'est celui de De Gaulle en 1962, en 1968 et en 1969, c'est aussi celui de François Mitterrand en 1992 et c'est celui de Jacques Chirac en 2005. Aller aux urnes pour écouter le peuple, même quand le peuple est en colère, surtout quand le peuple est en colère. Au moins, on ne pourra pas le reprocher à Emmanuel Macron. Il ne reste plus qu'à mobiliser la "majorité silencieuse" ! Vaste affaire en si peu de temps.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Nicolas Sarkozy.
    François Fillon.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240618-sarkozy-fillon.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-6-nicolas-255311

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/20/article-sr-20240618-sarkozy-fillon.html


     

  • François Fillon réagit à la dissolution dans "Le Figaro" (18 juin 2024)

    « Moi, j'ai confiance dans le peuple ! C'est le geste le plus démocratique et républicain qu'il soit, celui que j'ai fait. C'est de dire à vous toutes et tous : il y a une colère qui s'exprime, moi, je l'entends. Et je vous dis, quel que soit le résultat, de toute façon, il y aura un jour d'après. (…) Moi, j'ai confiance dans le bon sens. Je pense qu'il y a une majorité silencieuse qui, comme vous, ne veut pas les extrêmes et qui, comme vous, ne veut pas que ce soit le désordre. » (Emmanuel Macron, le 18 juin 2024 après la commémoration de l'Appel du 18 Juin).





     

     
     

    J'ai écrit que la dissolution de l'Assemblée Nationale et la campagne éclair des élections législatives faisaient ressortir les vieux dinosaures de la vie politique. C'est le cas de François Hollande (qui se présente dans une coalition de gouvernement avec le NPA et FI !), c'est aussi le cas de Lionel Jospin qui, tous les deux, aveuglés par la peur d'un gouvernement RN, sont prêts à s'allier avec ce qu'il y a de plus abject à l'extrême gauche (l'histoire le rappellera un jour très sévèrement). C'est le cas aussi de Manuel Valls qui, au nom de la même gauche que celle des deux précédents (Manuel Valls était le conseiller à Matignon de Lionel Jospin et le Premier Ministre de François Hollande), a condamné avec force la nouvelle farce populaire autant que l'extrême droite pour soutenir le camp présidentiel.

    Mais c'est bien sûr aussi le cas à droite et au centre droite. Du trio des ténors de l'UMP puis de LR qui ont dominé la droite républicaine pendant deux décennies, seul Alain Juppé est soumis à son obligation de réserve en raison de son appartenance au Conseil Constitutionnel (qui statue sur la régularité des élections législatives), mais les deux autres ont réagi aux événements politiques accélérés de ces derniers jours, l'ancien Président de la République Nicolas Sarkozy le 15 juin 2024 dans une interview au "Journal du dimanche" (interrogé par Geoffroy Lejeune et Antonin André), et l'ancien Premier Ministre François Fillon, qui avait pourtant tourné la page de la politique, le 18 juin 2024 dans une tribune au journal "Le Figaro". Ces deux ténors majeurs de LR ne disent d'ailleurs pas tout à fait la même chose.

     
     


    Pour les deux, comme pour Lionel Jospin et comme pour beaucoup de Français, il y a une incompréhension de cette dissolution. L'effet d'une douche froide. Mais après tout, De Gaulle avait fait la même chose deux fois en dix ans. Lire à la fin de l'article la justification présidentielle.
     

     
     


    Nicolas Sarkozy ne comprend pas cet appel aux urnes quelques heures seulement après les élections européennes qui étaient déjà une écoute du peuple : « Donner la parole au peuple français pour justifier la dissolution est un argument curieux puisque c’est précisément ce que venaient de faire plus de 25 millions de Français dans les urnes ! On donne la parole aux Français quand ils ne se sont pas exprimés depuis plusieurs années, pas juste après une consultation électorale. ».

    Et d'ajouter qu'il est peu probable que les Français ne disent pas la même chose en trois semaines d'intervalle : « Le risque est plus grand qu’ils confirment leur colère plutôt qu’ils ne l’infirment. ». Mais cela n'a pas beaucoup de sens de commenter la pertinence de la dissolution, car elle s'impose à tous.


    D'où cette sentence contre la décision présidentielle : « Cette dissolution constitue un risque majeur. Pour le pays, déjà fracturé, parce que cela peut le replonger dans un chaos. Et pour le Président, à qui il restait trois ans de mandat, et dont j'aurais préféré qu'il les utilisât pour accomplir ce que les Français souhaitent. ». Ces propos sont un tantinet démagogiques, mais il faut remarquer l'emploi de l'imparfait du subjonctif, très rare dans la classe politique et chasse généralement gardée de Raymond Barre et de Jean-Marie Le Pen).

    L'ancien Président de la République a notamment regretté de ne pas avoir assez influencé Emmanuel Macron sur les thèmes de la droite nationale : « C'est le plus important, je n'ai pas réussi à le convaincre que la matrice politique de la France s'incarnait dans ces trois mots : identité, sécurité, autorité. ». Ce à quoi Lionel Jospin a répondu : « Liberté, égalité fraternité » !

     

     
     


    Sur l'éviction du président de LR Éric Ciotti, Nicolas Sarkozy ne partage pas son point de vue d'une alliance LR-RN parce qu'il considère que cela serait suicidaire pour LR dans la situation actuelle. Il s'est opposé à la fois sur le fond (pas d'alliance avec le RN) et sur la forme (il n'avait pas à prendre la décision arbitrairement tout seul) : « Je suis attaché à mes convictions. Je ne partage pas les siennes, mais pourquoi ne pourrait-il les défendre ? En revanche, il a eu le tort de trancher un débat avant qu'il ait pu prospérer. ». Du reste, des personnalités comme Gérard Larcher et Bruno Retailleau se sont senties trahies personnellement par Éric Ciotti alors qu'ils l'avaient eu au téléphone très peu de temps avant sa déclaration d'alliance.

    Pour autant, Nicolas Sarkozy rejette toute diabolisation du RN car cela ferait son jeu. Il faut le combattre politiquement, pour les mesures qu'il défend, et pas moralement : « Le RN a fait un travail sur lui-même qui est indéniable. Combattre le Rassemblement national comme s'il n'avait pas changé, comme s'il y avait toujours le Jean-Marie Le Pen "du détail", serait une erreur grossière... ».


    En revanche, l'ancien locataire de l'Élysée veut diaboliser la nouvelle farce populaire avec ses partis extrémistes : « LFI par son communautarisme, ses propos aux limites de l'antisémitisme, son engagement militant auprès du Hamas, est beaucoup plus problématique aux regards des règles républicaines que le risque fantasmé de peste brune. ». Ainsi, entre la peste RN et le choléra NFP, il a probablement déjà choisi même s'il ne le dit pas explicitement.

    Quant à l'union des gauches, Nicolas Sarkozy l'a toujours envisagée et c'est probablement l'erreur politique d'Emmanuel Macron, elle s'est faite en juin 2022 malgré plusieurs candidats à l'élection présidentielle. Et il a rappelé : « Je n'ai jamais douté que la gauche referait son unité. Déjà en 2012, Jean-Luc Mélenchon s'était précipité dans les bras de François Hollande en dix minutes. Parce que quand le pouvoir est à portée de main, la gauche se rassemble. ».

    Nicolas Sarkozy s'est fait également directeur des ressources humaines et a commenté l'ambition démesurée de Jordan Bardella : « [Il] a du talent (…). Il lui reste, et c'est une grande question, à combler un manque d'expérience puisqu'il n'a jamais été en situation de gérer quoi que ce soit, et qu'il a moins de 30 ans. ».

    Lui qui avait tenté de convaincre Emmanuel Macron de faire un véritable contrat de gouvernement entre LR et la majorité présidentielle en 2022, il reste donc sur une position intenable : ni NFP, ni RN, ni Macron. Aujourd'hui, LR n'existe plus parce que ce parti a implosé par le ciottisme. Il lui faudra effectivement choisir entre ces trois "blocs" (terme que je n'aime pas du tout car cela fait comme si on bétonnait la vie politique, même s'il y a une belle référence historique avec le Bloc national de Clemenceau en novembre 1919).

     

     
     


    Parlons maintenant de la tribune de François Fillon. La position de l'ancien candidat à l'élection présidentielle de 2017 est un peu différente même s'il rejette à la fois le RN et le NFP. Lui-même au soir du premier tour de l'élection présidentielle de 2017 avait été très clair : il avait appelé sans hésitation à soutenir Emmanuel Macron au second tour pour empêcher l'éventualité de l'élection de Marine Le Pen (beaucoup au sein de LR avaient été bien moins clairs à l'époque).

    Toutefois, il faut aussi se souvenir qu'Éric Ciotti est un bon ami de François Fillon. Dans sa querelle fratricide contre Jean-François Copé au sein de l'UMP en 2012-2013, François Fillon avait pu compter sur le soutien indéfectible d'Éric Ciotti.

    Comme pour l'ancien chef de l'État, l'ancien Premier Ministre a d'abord sérieusement attaqué l'alliance à gauche : « Le nouveau programme commun de la gauche fait apparaître celui de 1981 comme une bluette social-démocrate. Le comportement de LFI depuis son irruption à l'Assemblée est incompatible avec notre pacte républicain. ».

     

     
     


    Mais il a aussi critiqué très vertement les idées du RN : « Je persiste à penser que l'extrême droit, malgré sa mue, n'est pas en mesure de redresser notre pays. Mais, pire encore, l'extrême gauche qui menace l'unité nationale doit être implacablement sanctionnée par les urnes. ». Le "pire encore" donne une idée de sa position s'il devait choisir entre les deux extrémismes.

    Enfin, troisième pôle de refus politique, ne pas se soumettre à Emmanuel Macron : « Il faudra beaucoup d'efforts au chef de l'État pour éteindre le feu électoral qu'il a sciemment allumé. ». Toute l'opposition à Emmanuel Macron réside dans ce "sciemment".

    Faut-il retourner aux sources de la Cinquième République ? Je rappelle donc qu'après la décision de dissoudre l'Assemblée prise par De Gaulle le 9 octobre 1962 (à la suite de l'adoption d'une motion de censure contre le gouvernement de Georges Pompidou), la plupart des députés gaullistes étaient sidérés et considéraient cette initiative de la dissolution comme un suicide collectif (on parle aussi de suicide politique pour le référendum du 27 avril 1969). Les ministres sortants se préparaient à la défaite électorale, retrouvaient un emploi à leurs conseillers et se disaient que c'était déjà pas mal d'avoir gouverné quatre ans en résistance au régime des partis.

     
     


    La réponse d'Emmanuel Macron est très claire, puisque beaucoup de Français l'ont interrogé sur le sujet. Ainsi, le 18 juin 2024, sur l'île de Sein, il répondait à une dame très inquiète (et pas du tout impressionnée) : « Quelle a été la conviction du Général De Gaulle en 1940, puisque vous faites référence à cette mémoire ? Une confiance dans les Françaises et les Français, forte. Le chaos, il est lié à quoi ? À certains élus de la République qui, chaque semaine, au Parlement, font le désordre et donnent un spectacle qui n'est pas celui que vous voulez et que je ne veux non plus. Vous ne pouvez pas continuer comme ça. Il faut regarder les choses en face. Et qu'il y ait eu un coup de colère, vous savez, je suis le premier à qui ça a fait mal le 9 juin. Les résultats. Je l'ai pris vraiment pour moi, ça m'a fait mal. Et donc, en mon âme et conscience, c'est une des décisions les plus lourdes que j'ai eu à prendre, Madame. Si je pensais à moi, vous savez, je serais resté à mon bureau et j'aurais dit : on va continuer comme si de rien n'était. Mais on doit ouvrir les yeux. On ne peut pas laisser monter les extrêmes et la colère en disant : c'est comme si de rien n'était. Et donc, moi, j'ai confiance dans le peuple ! C'est le geste le plus démocratique et républicain qu'il soit, celui que j'ai fait. C'est de dire à vous toutes et tous : il y a une colère qui s'exprime, moi, je l'entends. Et je vous dis, quel que soit le résultat, de toute façon, il y aura un jour d'après. Sur les sujets de sécurité, de fin de mois, on devra aller beaucoup plus vite et plus fort parce qu'il y a une partie de cette colère qui est liée à cela. Mais je dois redemander un vote de confiance aux Françaises et aux Français. Mais moi j'ai confiance dans le bon sens. Je pense qu'il y a une majorité silencieuse qui, comme vous, ne veut pas les extrêmes et qui, comme vous, ne veut pas que ce soit le désordre. Donc, je ne l'ai pas fait pour moi, je ne l'ai pas fait sur un coup de sang, ce n'est pas un coup de dés, c'est un geste de confiance républicain. On ne peut pas craindre le peuple dans une démocratie. (…) Mais pourquoi vous voudriez qu'il y ait le chaos ? Il y a le chaos quand les choses se bloquent. On a connu tous ensemble les gilets jaunes, et on l'a connu pourquoi ? Parce que les gens n'adhéraient plus aux réformes, la vie était dure. Il y a quelque chose qui a émergé, d'ailleurs qu'on a eu du mal à anticiper, il a fallu le régler, ça a mis quelques mois. Mais pour les élections, ce n'est pas le chaos, c'est la démocratie. Et donc, elle suppose le respect. Encore une fois, moi, j'ai confiance en l'intelligence des Françaises et des Français. ».

    Cet esprit de la pratique des institutions, c'est celui de De Gaulle en 1962, en 1968 et en 1969, c'est aussi celui de François Mitterrand en 1992 et c'est celui de Jacques Chirac en 2005. Aller aux urnes pour écouter le peuple, même quand le peuple est en colère, surtout quand le peuple est en colère. Au moins, on ne pourra pas le reprocher à Emmanuel Macron. Il ne reste plus qu'à mobiliser la "majorité silencieuse" ! Vaste affaire en si peu de temps.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Nicolas Sarkozy.
    François Fillon.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240618-fillon.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/19/article-sr-20240618-fillon.html





     

  • Nicolas Sarkozy réagit à la dissolution dans le JDD (15 juin 2024)

    « Moi, j'ai confiance dans le peuple ! C'est le geste le plus démocratique et républicain qu'il soit, celui que j'ai fait. C'est de dire à vous toutes et tous : il y a une colère qui s'exprime, moi, je l'entends. Et je vous dis, quel que soit le résultat, de toute façon, il y aura un jour d'après. (…) Moi, j'ai confiance dans le bon sens. Je pense qu'il y a une majorité silencieuse qui, comme vous, ne veut pas les extrêmes et qui, comme vous, ne veut pas que ce soit le désordre. » (Emmanuel Macron, le 18 juin 2024 après la commémoration de l'Appel du 18 Juin).





     

     
     

    J'ai écrit que la dissolution de l'Assemblée Nationale et la campagne éclair des élections législatives faisaient ressortir les vieux dinosaures de la vie politique. C'est le cas de François Hollande (qui se présente dans une coalition de gouvernement avec le NPA et FI !), c'est aussi le cas de Lionel Jospin qui, tous les deux, aveuglés par la peur d'un gouvernement RN, sont prêts à s'allier avec ce qu'il y a de plus abject à l'extrême gauche (l'histoire le rappellera un jour très sévèrement). C'est le cas aussi de Manuel Valls qui, au nom de la même gauche que celle des deux précédents (Manuel Valls était le conseiller à Matignon de Lionel Jospin et le Premier Ministre de François Hollande), a condamné avec force la nouvelle farce populaire autant que l'extrême droite pour soutenir le camp présidentiel.

    Mais c'est bien sûr aussi le cas à droite et au centre droite. Du trio des ténors de l'UMP puis de LR qui ont dominé la droite républicaine pendant deux décennies, seul Alain Juppé est soumis à son obligation de réserve en raison de son appartenance au Conseil Constitutionnel (qui statue sur la régularité des élections législatives), mais les deux autres ont réagi aux événements politiques accélérés de ces derniers jours, l'ancien Président de la République Nicolas Sarkozy le 15 juin 2024 dans une interview au "Journal du dimanche" (interrogé par Geoffroy Lejeune et Antonin André), et l'ancien Premier Ministre François Fillon, qui avait pourtant tourné la page de la politique, le 18 juin 2024 dans une tribune au journal "Le Figaro". Ces deux ténors majeurs de LR ne disent d'ailleurs pas tout à fait la même chose.

     
     


    Pour les deux, comme pour Lionel Jospin et comme pour beaucoup de Français, il y a une incompréhension de cette dissolution. L'effet d'une douche froide. Mais après tout, De Gaulle avait fait la même chose deux fois en dix ans. Lire à la fin de l'article la justification présidentielle.
     

     
     


    Nicolas Sarkozy ne comprend pas cet appel aux urnes quelques heures seulement après les élections européennes qui étaient déjà une écoute du peuple : « Donner la parole au peuple français pour justifier la dissolution est un argument curieux puisque c’est précisément ce que venaient de faire plus de 25 millions de Français dans les urnes ! On donne la parole aux Français quand ils ne se sont pas exprimés depuis plusieurs années, pas juste après une consultation électorale. ».

    Et d'ajouter qu'il est peu probable que les Français ne disent pas la même chose en trois semaines d'intervalle : « Le risque est plus grand qu’ils confirment leur colère plutôt qu’ils ne l’infirment. ». Mais cela n'a pas beaucoup de sens de commenter la pertinence de la dissolution, car elle s'impose à tous.


    D'où cette sentence contre la décision présidentielle : « Cette dissolution constitue un risque majeur. Pour le pays, déjà fracturé, parce que cela peut le replonger dans un chaos. Et pour le Président, à qui il restait trois ans de mandat, et dont j'aurais préféré qu'il les utilisât pour accomplir ce que les Français souhaitent. ». Ces propos sont un tantinet démagogiques, mais il faut remarquer l'emploi de l'imparfait du subjonctif, très rare dans la classe politique et chasse généralement gardée de Raymond Barre et de Jean-Marie Le Pen).

    L'ancien Président de la République a notamment regretté de ne pas avoir assez influencé Emmanuel Macron sur les thèmes de la droite nationale : « C'est le plus important, je n'ai pas réussi à le convaincre que la matrice politique de la France s'incarnait dans ces trois mots : identité, sécurité, autorité. ». Ce à quoi Lionel Jospin a répondu : « Liberté, égalité fraternité » !

     

     
     


    Sur l'éviction du président de LR Éric Ciotti, Nicolas Sarkozy ne partage pas son point de vue d'une alliance LR-RN parce qu'il considère que cela serait suicidaire pour LR dans la situation actuelle. Il s'est opposé à la fois sur le fond (pas d'alliance avec le RN) et sur la forme (il n'avait pas à prendre la décision arbitrairement tout seul) : « Je suis attaché à mes convictions. Je ne partage pas les siennes, mais pourquoi ne pourrait-il les défendre ? En revanche, il a eu le tort de trancher un débat avant qu'il ait pu prospérer. ». Du reste, des personnalités comme Gérard Larcher et Bruno Retailleau se sont senties trahies personnellement par Éric Ciotti alors qu'ils l'avaient eu au téléphone très peu de temps avant sa déclaration d'alliance.

    Pour autant, Nicolas Sarkozy rejette toute diabolisation du RN car cela ferait son jeu. Il faut le combattre politiquement, pour les mesures qu'il défend, et pas moralement : « Le RN a fait un travail sur lui-même qui est indéniable. Combattre le Rassemblement national comme s'il n'avait pas changé, comme s'il y avait toujours le Jean-Marie Le Pen "du détail", serait une erreur grossière... ».


    En revanche, l'ancien locataire de l'Élysée veut diaboliser la nouvelle farce populaire avec ses partis extrémistes : « LFI par son communautarisme, ses propos aux limites de l'antisémitisme, son engagement militant auprès du Hamas, est beaucoup plus problématique aux regards des règles républicaines que le risque fantasmé de peste brune. ». Ainsi, entre la peste RN et le choléra NFP, il a probablement déjà choisi même s'il ne le dit pas explicitement.

    Quant à l'union des gauches, Nicolas Sarkozy l'a toujours envisagée et c'est probablement l'erreur politique d'Emmanuel Macron, elle s'est faite en juin 2022 malgré plusieurs candidats à l'élection présidentielle. Et il a rappelé : « Je n'ai jamais douté que la gauche referait son unité. Déjà en 2012, Jean-Luc Mélenchon s'était précipité dans les bras de François Hollande en dix minutes. Parce que quand le pouvoir est à portée de main, la gauche se rassemble. ».

    Nicolas Sarkozy s'est fait également directeur des ressources humaines et a commenté l'ambition démesurée de Jordan Bardella : « [Il] a du talent (…). Il lui reste, et c'est une grande question, à combler un manque d'expérience puisqu'il n'a jamais été en situation de gérer quoi que ce soit, et qu'il a moins de 30 ans. ».

    Lui qui avait tenté de convaincre Emmanuel Macron de faire un véritable contrat de gouvernement entre LR et la majorité présidentielle en 2022, il reste donc sur une position intenable : ni NFP, ni RN, ni Macron. Aujourd'hui, LR n'existe plus parce que ce parti a implosé par le ciottisme. Il lui faudra effectivement choisir entre ces trois "blocs" (terme que je n'aime pas du tout car cela fait comme si on bétonnait la vie politique, même s'il y a une belle référence historique avec le Bloc national de Clemenceau en novembre 1919).

     
     


    Parlons maintenant de la tribune de François Fillon. La position de l'ancien candidat à l'élection présidentielle de 2017 est un peu différente même s'il rejette à la fois le RN et le NFP. Lui-même au soir du premier tour de l'élection présidentielle de 2017 avait été très clair : il avait appelé sans hésitation à soutenir Emmanuel Macron au second tour pour empêcher l'éventualité de l'élection de Marine Le Pen (beaucoup au sein de LR avaient été bien moins clairs à l'époque).

    Toutefois, il faut aussi se souvenir qu'Éric Ciotti est un bon ami de François Fillon. Dans sa querelle fratricide contre Jean-François Copé au sein de l'UMP en 2012-2013, François Fillon avait pu compter sur le soutien indéfectible d'Éric Ciotti.

    Comme pour l'ancien chef de l'État, l'ancien Premier Ministre a d'abord sérieusement attaqué l'alliance à gauche : « Le nouveau programme commun de la gauche fait apparaître celui de 1981 comme une bluette social-démocrate. Le comportement de LFI depuis son irruption à l'Assemblée est incompatible avec notre pacte républicain. ».

     

     
     


    Mais il a aussi critiqué très vertement les idées du RN : « Je persiste à penser que l'extrême droit, malgré sa mue, n'est pas en mesure de redresser notre pays. Mais, pire encore, l'extrême gauche qui menace l'unité nationale doit être implacablement sanctionnée par les urnes. ». Le "pire encore" donne une idée de sa position s'il devait choisir entre les deux extrémismes.

    Enfin, troisième pôle de refus politique, ne pas se soumettre à Emmanuel Macron : « Il faudra beaucoup d'efforts au chef de l'État pour éteindre le feu électoral qu'il a sciemment allumé. ». Toute l'opposition à Emmanuel Macron réside dans ce "sciemment".

    Faut-il retourner aux sources de la Cinquième République ? Je rappelle donc qu'après la décision de dissoudre l'Assemblée prise par De Gaulle le 9 octobre 1962 (à la suite de l'adoption d'une motion de censure contre le gouvernement de Georges Pompidou), la plupart des députés gaullistes étaient sidérés et considéraient cette initiative de la dissolution comme un suicide collectif (on parle aussi de suicide politique pour le référendum du 27 avril 1969). Les ministres sortants se préparaient à la défaite électorale, retrouvaient un emploi à leurs conseillers et se disaient que c'était déjà pas mal d'avoir gouverné quatre ans en résistance au régime des partis.
     

     
     


    La réponse d'Emmanuel Macron est très claire, puisque beaucoup de Français l'ont interrogé sur le sujet. Ainsi, le 18 juin 2024, sur l'île de Sein, il répondait à une dame très inquiète (et pas du tout impressionnée) : « Quelle a été la conviction du Général De Gaulle en 1940, puisque vous faites référence à cette mémoire ? Une confiance dans les Françaises et les Français, forte. Le chaos, il est lié à quoi ? À certains élus de la République qui, chaque semaine, au Parlement, font le désordre et donnent un spectacle qui n'est pas celui que vous voulez et que je ne veux non plus. Vous ne pouvez pas continuer comme ça. Il faut regarder les choses en face. Et qu'il y ait eu un coup de colère, vous savez, je suis le premier à qui ça a fait mal le 9 juin. Les résultats. Je l'ai pris vraiment pour moi, ça m'a fait mal. Et donc, en mon âme et conscience, c'est une des décisions les plus lourdes que j'ai eu à prendre, Madame. Si je pensais à moi, vous savez, je serais resté à mon bureau et j'aurais dit : on va continuer comme si de rien n'était. Mais on doit ouvrir les yeux. On ne peut pas laisser monter les extrêmes et la colère en disant : c'est comme si de rien n'était. Et donc, moi, j'ai confiance dans le peuple ! C'est le geste le plus démocratique et républicain qu'il soit, celui que j'ai fait. C'est de dire à vous toutes et tous : il y a une colère qui s'exprime, moi, je l'entends. Et je vous dis, quel que soit le résultat, de toute façon, il y aura un jour d'après. Sur les sujets de sécurité, de fin de mois, on devra aller beaucoup plus vite et plus fort parce qu'il y a une partie de cette colère qui est liée à cela. Mais je dois redemander un vote de confiance aux Françaises et aux Français. Mais moi j'ai confiance dans le bon sens. Je pense qu'il y a une majorité silencieuse qui, comme vous, ne veut pas les extrêmes et qui, comme vous, ne veut pas que ce soit le désordre. Donc, je ne l'ai pas fait pour moi, je ne l'ai pas fait sur un coup de sang, ce n'est pas un coup de dés, c'est un geste de confiance républicain. On ne peut pas craindre le peuple dans une démocratie. (…) Mais pourquoi vous voudriez qu'il y ait le chaos ? Il y a le chaos quand les choses se bloquent. On a connu tous ensemble les gilets jaunes, et on l'a connu pourquoi ? Parce que les gens n'adhéraient plus aux réformes, la vie était dure. Il y a quelque chose qui a émergé, d'ailleurs qu'on a eu du mal à anticiper, il a fallu le régler, ça a mis quelques mois. Mais pour les élections, ce n'est pas le chaos, c'est la démocratie. Et donc, elle suppose le respect. Encore une fois, moi, j'ai confiance en l'intelligence des Françaises et des Français. ».

    Cet esprit de la pratique des institutions, c'est celui de De Gaulle en 1962, en 1968 et en 1969, c'est aussi celui de François Mitterrand en 1992 et c'est celui de Jacques Chirac en 2005. Aller aux urnes pour écouter le peuple, même quand le peuple est en colère, surtout quand le peuple est en colère. Au moins, on ne pourra pas le reprocher à Emmanuel Macron. Il ne reste plus qu'à mobiliser la "majorité silencieuse" ! Vaste affaire en si peu de temps.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Nicolas Sarkozy.
    François Fillon.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240615-sarkozy.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/16/article-sr-20240615-sarkozy.html




     

  • Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains

    « Quand on lève la garde pour se protéger le visage, on expose son cœur. Et inversement. » (Jo Nesbo, 2021).



     

     
     


    Ce qui se passe chez Les Républicains depuis les élections européennes pourraient faire rigoler à grands éclats. En effet, la journée du mercredi 12 juin 2024 restera certainement dans toutes les mémoires tant dans la rubrique humour que dans la rubrique politique.

    L'épisode (j'y reviendrai juste après) d'un président de parti enfermé dans son bureau et empêchant ses collègues de s'introduire dans le bâtiment, un peu comme les gosses le feraient dans une cour de récréation, me faisait penser à cette excellente bande dessinée de Christian Binet, l'auteur de la série des Bidochons, intitulée "Monsieur le Ministre" (en deux tomes). À un moment, les jeunes du parti veulent prendre le pouvoir en interne, alors ils se rebellent contre les vieux (les caciques qui dirigent le parti) et s'enferment dans les toilettes. Suit alors une négociation pour qu'ils rouvrent la porte des toilettes, etc. Le très observateur Binet faisait référence à la séquence des Rénovateurs de l'opposition, entre avril et juin 1989, où les jeunes loups quadragénaires de l'UDF et du RPR (dont Dominique Baudis, Michel Noir, François Bayrou et Philippe Séguin) voulaient mettre dehors Jacques Chirac et Valéry Giscard d'Estaing.

    D'autres mettent un parallèle avec la guéguerre entre Jean-François Copé et François Fillon pour s'emparer de la présidence de l'UMP en 2012-2013. Mais je pense que c'est beaucoup plus grave que cela. Ici, il ne s'agit pas de la tambouille interne d'un parti politique, mais de candidatures pour les élections législatives et donc, à terme, pour un futur gouvernement. Cela ne concerne donc pas seulement les adhérents (raréfiés) d'un (désormais petit) parti politique, mais l'ensemble des Français.

    J'écris "vaudeville", j'écris "rigoler", et on a raison de rire, un rire nerveux, car peut-être que les temps vont être durs, mais en fait, ce n'est pas drôle du tout, c'est même très grave et j'aurais même tendance à penser que ce qui se passe aux LR est une déflagration encore plus grave que celle provoquée par la dissolution.

    Venons-en aux faits. Après l'allocution du Président Emmanuel Macron, le président de LR, Éric Ciotti, conformément à la doctrine de ce parti depuis 2017, a annoncé dès le soir du 9 juin 2024 qu'il n'était pas question de faire alliance avec la majorité présidentielle. Pas de surprise, mais surtout, pas de réaction hostile de la part des hiérarques de LR. Et puis, est venue cette (malheureuse ?) déclaration d'Éric Ciotti interrogé au journal de 13 heures le mardi 11 juin 2024 sur TF1. Il a annoncé vouloir faire une alliance entre LR et le RN, afin de présenter des candidatures uniques dans toutes les circonscriptions : « Nous avons besoin d'une alliance. Il faut une alliance avec le RN, ses candidats. Je souhaite que ma famille aille dans ce sens. ».

    En quelque sorte, voyant le vent favorable au RN, il voudrait que les favoris lui fassent une place. Allez, Françoise Hardy manque, petit intermède (il y en aura deux autres dans cet article qui poursuit l'hommage à la chanteuse).

    « Fais-moi une place

    Dans ton avenir
    Pour que j'ressasse

    Moins mes souvenirs »





    Le raisonnement d'Éric Ciotti est cynique mais réaliste : face à trois blocs importants, le RN, la majorité présidentielle et la gauche qui s'est unifiée comme par magie (j'y reviendrai dans un autre article), Les Républicains ne peuvent pas rester seuls dans cette aventure électorale et risquent de tout perdre, de n'avoir plus aucun député. Dans la tradition de la Cinquième République, il leur faut donc faire alliance. Ce raisonnement est à mon avis tout à fait pertinent et valable, mais c'est la conclusion qui devient complètement débile.

    Car pour lui, LR doit donc s'allier au RN. Pas de candidature opposée à l'un ou à l'autre dans les circonscriptions. Marine Le Pen, qui s'est réjouie de cette prise de position, a tout de suite dit ok et, du coup, a jeté à la poubelle ses débuts de négociation avec Reconquête commencées lundi. Pour Éric Ciotti, dont la circonscription niçoise doit être très RN au lendemain des européennes, c'est la consécration.

    Pourtant, politiquement, c'est débile parce que le programme économique d'Éric Ciotti est diamétralement opposé aux vagues déclarations faites sur le sujet par le RN : il souhaite instaurer l'ultralibéralisme, supprimer quasiment tous les impôts mais aussi les dépenses publiques.

    Les réactions ne se sont pas fait attendre ! Tous les autres responsables LR ont condamné sans appel cette prise de position. Tous, sans exception, en particulier, bien sûr, Valérie Pécresse, Michel Barnier et Xavier Bertrand, ainsi que Gérard Larcher, ce qui était prévisible, mais aussi Laurent Wauquiez (qu'on n'entendait plus), Bruno Retailleau, Geoffroy Didier, même Nadine Morano, Brice Hortefeux, encore François-Xavier Bellamy et Cécile Imart, les acteurs LR des européennes. Tous ont condamné mais on ne sait pas toujours pour quelle raison, car il y a deux motifs à condamnation.

    Le premier est à la fois moral et politique : il n'est pas question que Les Républicains fassent alliance avec le parti de Jean-Marie Le Pen, fondé par des anciens de l'OAS qui voulaient la peau de De Gaulle. Le second est moins clair, surtout procédural, certains s'indignent qu'Éric Ciotti prenne une décision si lourde de sens sans concertation, sans consulter le bureau politique, sans consulter les adhérents, bref, comme un autocrate, comme l'a très bien décrit sur tous les plateaux de télévision la maire de Taverny Florence Portelli, vice-présidente de LR. D'un côté le fond, de l'autre la forme, mais les deux se rejoignent.

    Le problème de LR, c'est qu'Éric Ciotti est le président élu par les adhérents et que rien ne l'empêche de le rester. Problème juridique fort comme c'était le cas pour François Fillon désigné candidat à l'élection présidentielle par la primaire et rien juridiquement ne permettait de l'évincer. L'épreuve de force a donc eu lieu.


    Le lendemain, mercredi 12 juin 2024, c'était la guerre des tranchées. En prévision du grabuge, Éric Ciotti a fait évacuer le siège de LR de tous ses permanents censés désormais travailler en télétravail. À midi, les portes du bâtiment se sont fermées, place du Palais-Bourbon. L'idée était motivée par la réunion prochaine d'un bureau politique contre lui. Qu'importe, les membres du bureau politique se sont installés pas très loin, rue Las-Cases, au Musée Social (cela ne s'invente pas, même dans les plus mauvais romans d'anticipation politique).

    Résultat : la réunion du bureau politique de LR a été tenue, sans Éric Ciotti, et l'a exclu de LR pour avoir pris la décision de s'allier au RN. Ces membres du bureau politique ont d'ailleurs rappelé la célérité avec laquelle Éric Ciotti avait voulu exclure les membres de LR qui avaient rejoint Emmanuel Macron entre 2017 et 2022. Pendant ce temps, Éric Ciotti était dans son bureau au siège de LR et y est resté, bunkérisé ! Les responsables LR lui ont retiré les codes des comptes Twitter et de la boîte email de LR, ont retiré le chauffeur, si bien que pour retourner à Nice, Éric Ciotti devra prendre un taxi jusqu'à l'aéroport (quelle horreur !), etc. On retrouve ici les petites misères et humiliations que l'on peut trouver dans les affaires de harcèlement dans les entreprises.
     

     
     


    Éric Ciotti a refusé ce verdict et a rappelé qu'il a été élu président de LR par les adhérents et que beaucoup d'adhérents lui ont apporté leur soutien, ce qui est plausible d'ailleurs. J'y suis, j'y reste ! Il y a désormais un choc de deux légitimités. Ah, la nostalgie d'une équipe soudée (comment, il n'y en a jamais eu ?). Qu'importe, deuxième intermède avec toujours Françoise Hardy.

    « C'est le temps de l'amour
    Le temps des copains
    Et de l'aventure
    Quand le temps va et vient
    On ne pense à rien
    Malgré ses blessures »






    La situation est donc très grave car dans ce choc de légitimité politique, il y a des investitures qui doivent être données de manière urgente (le dépôt des candidatures se termine le 16 juin 2024). Ainsi, il y a une commission des investitures LR qui provient du bureau politique et refuse tout candidat LR voulant faire alliance avec le RN, tandis qu'Éric Ciotti lui-même délivre des investitures à "ses" candidats LR sur le terrain. De quoi rendre confus les choses non seulement auprès des électeurs, les leurs, mais aussi auprès des cadres locaux de LR. Quel pourrait être l'argumentaire de campagne avec des positions si différentes ?

    En gros, on a un Éric Ciotti qui est exclu de LR mais tout en restant président de LR. Le bureau politique a pourtant annoncé qu'une présidence collégiale était mise en place (ce n'est pas la première fois !) avec la députée Annie Genevard, secrétaire générale de LR, et François-Xavier Bellamy, l'ancienne tête de liste LR aux européennes.

    Cela me fait penser à 2015 quand Marine Le Pen avait fait adopter par le bureau politique du FN l'exclusion de son père, Jean-Marie Le Pen, mais juridiquement, ce dernier restait tout de même le président d'honneur du FN car c'était inscrit dans les statuts du FN (les statuts, c'est l'équivalent d'une constitution pour un parti politique, c'est difficile de les modifier, il faut l'accord des adhérents au cours d'une assemblée générale ou congrès).
     

     
     


    Ces événements sont graves pour Les Républicains car ils remettent en cause leur propre existence. Petite séquence nostalgie : dire que LR était ce gros mastodonte UMP qui était hégémonique dans les institutions avec 358 députés sur 577 ! Tout cela est bien fini, depuis 2017, la fleur a fané vite, et 2024 pourrait en être le point final. Comme pour l'amie la rose. Troisième et dernier intermède avec hardyesse.

    « Je me suis épanouie
    Heureuse et amoureuse
    Aux rayons du soleil
    Me suis fermée la nuit
    Me suis réveillée vieille
    Pourtant j'étais très belle
    Oui, j'étais la plus belle
    Des fleurs de ton jardin
    On est bien peu de chose
    Et mon amie la rose
    Me l'a dit ce matin
    Vois le dieu qui m'a faite
    Me fait courber la tête
    Et je sens que je tombe »






    Ce vaudeville n'est pas prêt d'être terminé. Cela va se jouer à coups de constat d'huissiers, voire de plaintes devant les tribunaux, sans aucun respect ni pour les électeurs ni pour leurs sympathisants. L'aspect administratif et juridique risque de mettre au second plan l'aspect politique qui est pourtant la seule chose qui compte dans une élection : que proposeront les candidats LR comme programme et avec qui comptent-ils gouverner.

    En ce qui me concerne, je me réjouis que la digue anti-RN soit maintenue chez les dirigeants de LR, hors Éric Ciotti dont on connaissait déjà l'architecture cérébrale ultradroitisée. En particulier, la réaction de Laurent Wauquiez, Nadine Morano, Brice Hortefeux, entre autres, montre que l'indignation est quasi-unanime vis-à-vis de leur président pourtant effectivement légitime.

    En revanche, je suis inquiet voire en colère contre les dirigeants LR supposés "modérés", en particulier Gérard Larcher : il condamne effectivement les propos d'Éric Ciotti, parce qu'il ne veut pas un gouvernement RN, mais il continue à dénigrer systématiquement Emmanuel Macron au lieu, au contraire, de chercher un terrain d'entente avec lui. En continuant à s'opposer de manière totalement stérile à Emmanuel Macron, Gérard Larcher et quelques autres font finalement le jeu du RN. Après tout, avec ses hypothèses, Éric Ciotti gagnerait dans ce jeu de dupes son Ministère de l'Intérieur et le reste de LR aurait tout perdu.


    Aussi sur le blog.


    Sylvain Rakotoarison (12 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240612-les-republicains.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-1-vaudeville-255197

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/13/article-sr-20240612-les-republicains.html





     

  • L'émergence du ciottisme

    « Quand on lève la garde pour se protéger le visage, on expose son cœur. Et inversement. » (Jo Nesbo, 2021).



     

     
     


    Ce qui se passe chez Les Républicains depuis les élections européennes pourraient faire rigoler à grands éclats. En effet, la journée du mercredi 12 juin 2024 restera certainement dans toutes les mémoires tant dans la rubrique humour que dans la rubrique politique.

    L'épisode (j'y reviendrai juste après) d'un président de parti enfermé dans son bureau et empêchant ses collègues de s'introduire dans le bâtiment, un peu comme les gosses le feraient dans une cour de récréation, me faisait penser à cette excellente bande dessinée de Christian Binet, l'auteur de la série des Bidochons, intitulée "Monsieur le Ministre" (en deux tomes). À un moment, les jeunes du parti veulent prendre le pouvoir en interne, alors ils se rebellent contre les vieux (les caciques qui dirigent le parti) et s'enferment dans les toilettes. Suit alors une négociation pour qu'ils rouvrent la porte des toilettes, etc. Le très observateur Binet faisait référence à la séquence des Rénovateurs de l'opposition, entre avril et juin 1989, où les jeunes loups quadragénaires de l'UDF et du RPR (dont Dominique Baudis, Michel Noir, François Bayrou et Philippe Séguin) voulaient mettre dehors Jacques Chirac et Valéry Giscard d'Estaing.

    D'autres mettent un parallèle avec la guéguerre entre Jean-François Copé et François Fillon pour s'emparer de la présidence de l'UMP en 2012-2013. Mais je pense que c'est beaucoup plus grave que cela. Ici, il ne s'agit pas de la tambouille interne d'un parti politique, mais de candidatures pour les élections législatives et donc, à terme, pour un futur gouvernement. Cela ne concerne donc pas seulement les adhérents (raréfiés) d'un (désormais petit) parti politique, mais l'ensemble des Français.

    J'écris "vaudeville", j'écris "rigoler", et on a raison de rire, un rire nerveux, car peut-être que les temps vont être durs, mais en fait, ce n'est pas drôle du tout, c'est même très grave et j'aurais même tendance à penser que ce qui se passe aux LR est une déflagration encore plus grave que celle provoquée par la dissolution.

    Venons-en aux faits. Après l'allocution du Président Emmanuel Macron, le président de LR, Éric Ciotti, conformément à la doctrine de ce parti depuis 2017, a annoncé dès le soir du 9 juin 2024 qu'il n'était pas question de faire alliance avec la majorité présidentielle. Pas de surprise, mais surtout, pas de réaction hostile de la part des hiérarques de LR. Et puis, est venue cette (malheureuse ?) déclaration d'Éric Ciotti interrogé au journal de 13 heures le mardi 11 juin 2024 sur TF1. Il a annoncé vouloir faire une alliance entre LR et le RN, afin de présenter des candidatures uniques dans toutes les circonscriptions : « Nous avons besoin d'une alliance. Il faut une alliance avec le RN, ses candidats. Je souhaite que ma famille aille dans ce sens. ».

    En quelque sorte, voyant le vent favorable au RN, il voudrait que les favoris lui fassent une place. Allez, Françoise Hardy manque, petit intermède (il y en aura deux autres dans cet article qui poursuit l'hommage à la chanteuse).

    « Fais-moi une place

    Dans ton avenir
    Pour que j'ressasse

    Moins mes souvenirs »





    Le raisonnement d'Éric Ciotti est cynique mais réaliste : face à trois blocs importants, le RN, la majorité présidentielle et la gauche qui s'est unifiée comme par magie (j'y reviendrai dans un autre article), Les Républicains ne peuvent pas rester seuls dans cette aventure électorale et risquent de tout perdre, de n'avoir plus aucun député. Dans la tradition de la Cinquième République, il leur faut donc faire alliance. Ce raisonnement est à mon avis tout à fait pertinent et valable, mais c'est la conclusion qui devient complètement débile.

    Car pour lui, LR doit donc s'allier au RN. Pas de candidature opposée à l'un ou à l'autre dans les circonscriptions. Marine Le Pen, qui s'est réjouie de cette prise de position, a tout de suite dit ok et, du coup, a jeté à la poubelle ses débuts de négociation avec Reconquête commencées lundi. Pour Éric Ciotti, dont la circonscription niçoise doit être très RN au lendemain des européennes, c'est la consécration.

    Pourtant, politiquement, c'est débile parce que le programme économique d'Éric Ciotti est diamétralement opposé aux vagues déclarations faites sur le sujet par le RN : il souhaite instaurer l'ultralibéralisme, supprimer quasiment tous les impôts mais aussi les dépenses publiques.

    Les réactions ne se sont pas fait attendre ! Tous les autres responsables LR ont condamné sans appel cette prise de position. Tous, sans exception, en particulier, bien sûr, Valérie Pécresse, Michel Barnier et Xavier Bertrand, ainsi que Gérard Larcher, ce qui était prévisible, mais aussi Laurent Wauquiez (qu'on n'entendait plus), Bruno Retailleau, Geoffroy Didier, même Nadine Morano, Brice Hortefeux, encore François-Xavier Bellamy et Cécile Imart, les acteurs LR des européennes. Tous ont condamné mais on ne sait pas toujours pour quelle raison, car il y a deux motifs à condamnation.

    Le premier est à la fois moral et politique : il n'est pas question que Les Républicains fassent alliance avec le parti de Jean-Marie Le Pen, fondé par des anciens de l'OAS qui voulaient la peau de De Gaulle. Le second est moins clair, surtout procédural, certains s'indignent qu'Éric Ciotti prenne une décision si lourde de sens sans concertation, sans consulter le bureau politique, sans consulter les adhérents, bref, comme un autocrate, comme l'a très bien décrit sur tous les plateaux de télévision la maire de Taverny Florence Portelli, vice-présidente de LR. D'un côté le fond, de l'autre la forme, mais les deux se rejoignent.

    Le problème de LR, c'est qu'Éric Ciotti est le président élu par les adhérents et que rien ne l'empêche de le rester. Problème juridique fort comme c'était le cas pour François Fillon désigné candidat à l'élection présidentielle par la primaire et rien juridiquement ne permettait de l'évincer. L'épreuve de force a donc eu lieu.


    Le lendemain, mercredi 12 juin 2024, c'était la guerre des tranchées. En prévision du grabuge, Éric Ciotti a fait évacuer le siège de LR de tous ses permanents censés désormais travailler en télétravail. À midi, les portes du bâtiment se sont fermées, place du Palais-Bourbon. L'idée était motivée par la réunion prochaine d'un bureau politique contre lui. Qu'importe, les membres du bureau politique se sont installés pas très loin, rue Las-Cases, au Musée Social (cela ne s'invente pas, même dans les plus mauvais romans d'anticipation politique).

    Résultat : la réunion du bureau politique de LR a été tenue, sans Éric Ciotti, et l'a exclu de LR pour avoir pris la décision de s'allier au RN. Ces membres du bureau politique ont d'ailleurs rappelé la célérité avec laquelle Éric Ciotti avait voulu exclure les membres de LR qui avaient rejoint Emmanuel Macron entre 2017 et 2022. Pendant ce temps, Éric Ciotti était dans son bureau au siège de LR et y est resté, bunkérisé ! Les responsables LR lui ont retiré les codes des comptes Twitter et de la boîte email de LR, ont retiré le chauffeur, si bien que pour retourner à Nice, Éric Ciotti devra prendre un taxi jusqu'à l'aéroport (quelle horreur !), etc. On retrouve ici les petites misères et humiliations que l'on peut trouver dans les affaires de harcèlement dans les entreprises.

     
     


    Éric Ciotti a refusé ce verdict et a rappelé qu'il a été élu président de LR par les adhérents et que beaucoup d'adhérents lui ont apporté leur soutien, ce qui est plausible d'ailleurs. J'y suis, j'y reste ! Il y a désormais un choc de deux légitimités. Ah, la nostalgie d'une équipe soudée (comment, il n'y en a jamais eu ?). Qu'importe, deuxième intermède avec toujours Françoise Hardy.

    « C'est le temps de l'amour
    Le temps des copains
    Et de l'aventure
    Quand le temps va et vient
    On ne pense à rien
    Malgré ses blessures »






    La situation est donc très grave car dans ce choc de légitimité politique, il y a des investitures qui doivent être données de manière urgente (le dépôt des candidatures se termine le 16 juin 2024). Ainsi, il y a une commission des investitures LR qui provient du bureau politique et refuse tout candidat LR voulant faire alliance avec le RN, tandis qu'Éric Ciotti lui-même délivre des investitures à "ses" candidats LR sur le terrain. De quoi rendre confus les choses non seulement auprès des électeurs, les leurs, mais aussi auprès des cadres locaux de LR. Quel pourrait être l'argumentaire de campagne avec des positions si différentes ?

    En gros, on a un Éric Ciotti qui est exclu de LR mais tout en restant président de LR. Le bureau politique a pourtant annoncé qu'une présidence collégiale était mise en place (ce n'est pas la première fois !) avec la députée Annie Genevard, secrétaire générale de LR, et François-Xavier Bellamy, l'ancienne tête de liste LR aux européennes.

    Cela me fait penser à 2015 quand Marine Le Pen avait fait adopter par le bureau politique du FN l'exclusion de son père, Jean-Marie Le Pen, mais juridiquement, ce dernier restait tout de même le président d'honneur du FN car c'était inscrit dans les statuts du FN (les statuts, c'est l'équivalent d'une constitution pour un parti politique, c'est difficile de les modifier, il faut l'accord des adhérents au cours d'une assemblée générale ou congrès).
     

     
     


    Ces événements sont graves pour Les Républicains car ils remettent en cause leur propre existence. Petite séquence nostalgie : dire que LR était ce gros mastodonte UMP qui était hégémonique dans les institutions avec 358 députés sur 577 ! Tout cela est bien fini, depuis 2017, la fleur a fané vite, et 2024 pourrait en être le point final. Comme pour l'amie la rose. Troisième et dernier intermède avec hardyesse.

    « Je me suis épanouie
    Heureuse et amoureuse
    Aux rayons du soleil
    Me suis fermée la nuit
    Me suis réveillée vieille
    Pourtant j'étais très belle
    Oui, j'étais la plus belle
    Des fleurs de ton jardin
    On est bien peu de chose
    Et mon amie la rose
    Me l'a dit ce matin
    Vois le dieu qui m'a faite
    Me fait courber la tête
    Et je sens que je tombe »






    Ce vaudeville n'est pas prêt d'être terminé. Cela va se jouer à coups de constat d'huissiers, voire de plaintes devant les tribunaux, sans aucun respect ni pour les électeurs ni pour leurs sympathisants. L'aspect administratif et juridique risque de mettre au second plan l'aspect politique qui est pourtant la seule chose qui compte dans une élection : que proposeront les candidats LR comme programme et avec qui comptent-ils gouverner.

    En ce qui me concerne, je me réjouis que la digue anti-RN soit maintenue chez les dirigeants de LR, hors Éric Ciotti dont on connaissait déjà l'architecture cérébrale ultradroitisée. En particulier, la réaction de Laurent Wauquiez, Nadine Morano, Brice Hortefeux, entre autres, montre que l'indignation est quasi-unanime vis-à-vis de leur président pourtant effectivement légitime.

    En revanche, je suis inquiet voire en colère contre les dirigeants LR supposés "modérés", en particulier Gérard Larcher : il condamne effectivement les propos d'Éric Ciotti, parce qu'il ne veut pas un gouvernement RN, mais il continue à dénigrer systématiquement Emmanuel Macron au lieu, au contraire, de chercher un terrain d'entente avec lui. En continuant à s'opposer de manière totalement stérile à Emmanuel Macron, Gérard Larcher et quelques autres font finalement le jeu du RN. Après tout, avec ses hypothèses, Éric Ciotti gagnerait dans ce jeu de dupes son Ministère de l'Intérieur et le reste de LR aurait tout perdu.


    Aussi sur le blog.


    Sylvain Rakotoarison (12 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240612-ciotti.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/21/article-sr-20240612-ciotti.html



     

  • La vision européenne décevante d'Édouard Balladur

    « Mon engagement dans cette action est total. Seul son succès m'importe. Je m'y dévouerai exclusivement. (…) Ce sera difficile ? A coup sûr. Périlleux ? Peut-être. Indispensable ? Évidemment. (…) N'ayons pas peur du risque. Ensemble, nous allons bâtir le nouvel exemple français. » (Édouard Balladur, le 8 avril 1993 dans l'hémicycle).


     

     
     


    95 ans. C'est l'âge qu'atteint Édouard Balladur ce jeudi 2 mai 2024. Un âge canonique qui le fait intégrer dans le petit cercle des potentiels centenaires de la vie politique, comme l'est déjà Roland Dumas, et que n'ont pas été Jacques Delors et Robert Badinter (à quelques années près).

    S'il n'a pas été le premier des princes, à savoir Président de la République (il a raté la première marche le 23 avril 1995 avec seulement 18,6% des suffrages exprimés), Édouard Balladur, auteur de vingt-deux essais, a cependant eu deux rôles très importants dans la Cinquième République, celui de Premier Ministre entre 1993 et 1995, et celui de candidat à l'élection présidentielle, grand candidat, c'est-à-dire potentiellement gagnant. Et j'ajouterai aussi un rôle de théoricien, celui de la cohabitation par un article publié le 16 septembre 1983, cohabitation dont il fut doublement acteur.

    Édouard Balladur a bénéficié de sondages étonnamment flatteurs pendant sa période d'exercice du pouvoir. En général, quand on gouverne, on est impopulaire. Mais il a gouverné de manière à ne mécontenter personne. En ce sens, il a été peu courageux dans les réformes économiques et sociales (dont on ne retiendra pas ni les privatisations, loi n°93-923 du 19 juillet 1993, ni la réformette sur les retraites, loi n°93-936 du 22 juillet 1993, une des premières), les remettant après l'élection présidentielle. De plus, un jeu d'écriture comptable a allègrement faussé la réalité des finances publiques.

    En 1995, tous les leaders de l'UDF soutenaient le Premier Ministre Édouard Balladur dans son aventure électorale. Pour la confédération des partis centristes, il était l'homme idéal pour dégager définitivement Jacques Chirac de la vie politique. Membre moi-même de l'UDF, j'avais une analyse très différente. À l'origine, j'appréciais peu Jacques Chirac parce que j'avais fait campagne pour Raymond Barre en 1988 et j'ai vu le bull-doser chiraquien avec sa mauvaise foi, ses éléments de langage et sa machine électorale redoutable. Toutefois, dès lors que l'UDF serait absente directement de l'échéance présidentielle de 1995, ma réflexion se posait sur le choix entre Édouard Balladur et Jacques Chirac.

    Pour moi, en dehors de la personnalité qui leur est propre, aucune différence notable dans le programme politique n'existait, ce qui était d'autant plus vrai que c'était Jacques Chirac qui avait proposé Édouard Balladur à Matignon (du 29 mars 1993 au 17 mai 1995) après la vaste victoire de l'union UDF-RPR en mars 1993. De plus, Édouard Balladur, très proche du Président Georges Pompidou (il a été le Secrétaire Général adjoint, puis Secrétaire Général de l'Élysée du 5 avril 1973 au 2 avril 1974), et Jacques Chirac était lui-même le poulain de Georges Pompidou, ils provenaient donc de la même branche du gaullisme historique, celle du conservatisme social et libéral de la bourgeoisie de province. En outre, les supputations pour Matignon restaient les mêmes quelle que fût la victoire, Alain Juppé aurait été probablement nommé dans tous les cas, par Jacques Chirac qu'il avait soutenu loyalement sans plus trop y croire comme par Édouard Balladur qui aurait besoin de raccommoder sa majorité (à l'époque, on parlait aussi de Charles Pasqua puis de Nicolas Sarkozy à Matignon en cas d'élection d'Édouard Balladur).

     

     
     


    Donc, dans ma réflexion, mon choix devait partager des personnalités et pas des programmes politiques. Or, Jacques Chirac avait pour une fois la position de recul que n'avait pas Édouard Balladur. Ce dernier montrait une réelle distance avec le "vrai peuple", une distance assez méprisante voire arrogante, bien plus grande encore que Valéry Giscard d'Estaing sans son intelligence et son niveau d'analyse. Édouard Balladur était un rond-de-cuir de la politique qui a saisi une occasion improbable, celle d'être au pouvoir et de gérer le pays un peu par hasard et certainement pas pour faire l'histoire. Son thème de campagne était de « croire en la France » mais il fallait d'abord croire en Balladur.

    Jacques Chirac, dans le rôle du trahi et plus du traître qu'il a souvent été (Jacques Chaban-Delmas en 1974, Valéry Giscard d'Estaing en 1981, Raymond Barre en 1988, etc.), a fait d'ailleurs une excellente campagne présidentielle, partant justement du peuple, rencontrant toutes les forces vives du pays sans caméras, pour mieux comprendre la France et les Français. Son thème de la fracture sociale, suggéré par Philippe Séguin, était excellent, à tel point qu'il a réussi à rassembler également des suffrages d'électeurs de gauche déboussolés par l'effondrement du PS et les révélations sur le passé de François Mitterrand.


    Mon vote Chirac a donc été par défaut mais dès le premier tour, et je ne l'ai pas regretté en 2007, à la fin de ses deux mandats, même si j'étais fermement opposé à deux de ses décisions présidentielles importantes, la dissolution de 1997 et le référendum sur le quinquennat de 2000. Que reste-t-il de la période d'Édouard Balladur ? Rien. Alors que son successeur, Alain Juppé, est resté dans les mémoires, comme celui qui a tenté de réformer la Sécurité sociale. Quant à Jacques Chirac, il aurait sans doute été plus cohérent en nommant Philippe Séguin en mai 1995 et Nicolas Sakorzy en mai 2002 à Matignon. Mais il a laissé des discours mémorables, et historiquement essentiels, celui de la reconnaissance de la France dans la rafle du Vel' d'hiv' (en juillet 1995), de la mort de François Mitterrand (en janvier 1996) et aussi de son départ où il avouait, malgré sa pudeur, l'amour qu'il vouait aux Français et à la France (en mars 2007). D'autres ont retenu sa position contre l'intervention américaine en Irak, mais cette position n'était pas évidente et pas nécessairement sa première position spontanée.

    Et Édouard Balladur dans l'affaire ? Il a continué comme un "vulgaire" homme politique, ordinaire, cherchant en vain à conquérir un petit Graal, comme la présidence du conseil régional d'Île-de-France en mars 1998, puis la mairie de Paris en mars 2001, cette dernière bataille après une rivalité primaire contre Philippe Séguin. Député de Paris de mars 1986 à juin 2007, dans une circonscription imprenable à partir de 1988, et conseiller de Paris de 1989 à 2008, il n'a pas eu à batailler ferme pour maintenir ses propres mandats parisiens.

     

     
     


    Bien qu'à l'origine, il était spécialisé dans l'économie et le social (il a présidé des groupes industriels dans les années 1970), ce qui l'a bombardé Ministre d'État, Ministre de l'Économie et des Finances du 20 mars 1986 au 10 mai 1988, souvent appelé Vice-Premier Ministre, Édouard Balladur, comme tous les hommes d'État en retrait, s'est préoccupé surtout des institutions et des affaires étrangères. Ainsi, il a présidé la commission des affaires étrangères de l'Assemblée Nationale du 27 juin 2002 au 19 juin 2007 lors de son dernier mandat parlementaire (faute d'être élu Président de l'Assemblée Nationale le 25 juin 2002, recueillant seulement 163 voix sur 541, battu par Jean-Louis Debré avec 217 voix, puis unique candidat de droite au second tour), et il a présidé deux Comités Balladur, le Comité de réflexion sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions (nommé du 18 juillet 2007 au 29 octobre 2007), et le Comité pour la réforme des collectivités locales (nommé du 22 octobre 2008 au 25 février 2009), tous les deux issus de la volonté de Nicolas Sarkozy élu Président de la République et, en quelque sorte, faisant gagner Édouard Balladur à l'Élysée par procuration.

    Malgré la proposition de Nicolas Sarkozy de le nommer en février 2010 au Conseil Constitutionnel, le conseiller honoraire du Conseil d'État (diplômé de l'IEP Paris et de l'ENA) a décliné l'offre pour se consacrer à sa retraite. Au sein de l'UMP puis de LR, Édouard Balladur a soutenu François Fillon en novembre 2012, Nicolas Sarkozy en novembre 2016, François Fillon en avril 2017, Laurent Wauquiez en décembre 2017 et Valérie Pécresse en avril 2022. Il n'a jamais apporté son soutien à Emmanuel Macron et a même émis une appréciation très sévère contre ce dernier sur sa politique européenne.

    Auteur d'une note politique pour la fondation Fondapol publiée le 27 juin 2023, l'ancien Premier Ministre affirmait un certain euroscepticisme, assez étonnant de sa part : « Depuis trente ans, le monde a changé au détriment de l’Europe. La France a changé davantage encore et paraît atteinte dans ses forces vitales. L’Europe peut-elle contribuer à son redressement ? Rien n’est moins sûr. Des progrès ont été recherchés, mais dans un désordre qui a permis à la technostructure européenne d’accroître encore son pouvoir. (…) Il faut sortir de l’ambiguïté, la France doit demeurer souveraine dans certains domaines essentiels. L’Union n’est pas une organisation fédérale et ne doit pas le devenir. ». À croire que toutes ses belles paroles européennes des années 1990 étaient de l'hypocrisie électorale...

    Par cette analyse très décevante et sans innovation, il est revenu à son dada des cercles concentriques : « Avant tout élargissement, définir clairement la construction de l’Europe en cercles à compétences et à compositions variables, en faire un principe de base. ». Mais il n'a porté aucune proposition concrète sinon les yaka fonkon habituels, très stériles et très communs : « La France doit sortir du déclin qui la menace. La lutte contre les déficits, l’endettement, l’insécurité, et pour l’amélioration de la compétitivité, du système éducatif, hospitalier, pour la régulation effective de l’immigration, demeurent des compétences nationales. (…) Si la France veut survivre, l’Europe doit être réorganisée et la France doit demeurer responsable de son propre destin. ». On ne peut pas demander à une personne qui a eu 15 ans en 1944 d'imaginer le monde de 2030, encore moins de 2050. Ni être le vieux sage de la politique des années 2020 comme l'a si élégamment été Antoine Pinay entre 1974 et 1994.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (01er mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Édouard Balladur.
    Le théoricien de la cohabitation.
    Le Comité Balladur de 2007.
    La cohabitation de 1986.

     

     
     





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    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-vision-europeenne-decevante-d-254304

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/04/27/article-sr-20240502-balladur.html